mercredi 3 avril 2019

Du jugement au glaive - Pitié, ne frappez pas !




Quand on créé, on est forcément confronté au regard extérieur et par extension, aux critiques multiples et variées. Je surfe assez souvent sur la toile et les réseaux sociaux pour considérer régulièrement la façon dont sont accueillies les œuvres en général et les miennes, cela va sans dire. 

Je pense qu'il est important d'être bien "armé" psychologiquement pour recevoir les avis, les conseils souvent gratuits et les critiques d'autrui, que ces regards soient ceux de fins connaisseurs ou pas. C'est une chose difficile quand l'hypersensibilité surgit, et en fait, elle se tapit en permanence au fond de celui qui créé avec ses tripes, et sait ne pas se faire oublier à un moment, qu'il soit opportun ou non.

Est-ce de la susceptibilité quand un artiste/créateur réagit plus ou moins bien aux critiques/avis/conseils gratuits ?

Alors, pour ne pas perdre la cadence de ma production artistique et ne pas sombrer dans des doutes qui me feraient stagner (En perdant une journée de travail au passage, tellement ma sensibilité est à fleur de peau), j'essaye tant bien que mal de ne pas m'appesantir sur les avis ou les conseils parfois pas si bien avisés que cela.

J'avance progressivement et j'expérimente surtout. Ma manière de travailler peut plaire ou déplaire. On peut être séduit par ma façon spontanée de créer, car comme je l'ai mentionné souvent ici, j'aime particulièrement faire participer mon instinct et mes ressentis. Je reste ouverte aux commentaires de toute nature, mais souvent moins aux conseils gratuits. Je préfère garder la possibilité d'aller les chercher plutôt que de les recevoir sans m'y attendre, afin que, subtilement, celui qui les donne puisse si aisément se sentir supérieur. Ou bien, si vraiment il est utile à mon développement que j'en reçoive, plutôt que de me les imposer, merci de me les proposer au préalable. Ce sera accueilli  différemment. 

Je m'aperçois que les réactions abruptes, sans détours, parfois même sans intérêts du genre "C'est moche", ou "C'est vulgaire" sont légions. Je ne dis pas que ces remarques m'aient été faite, mais je les ai vues très souvent pour d'autres artistes/créateurs. Je ne saurai dire si toutes ces productions sont purement artistiques, toutes ne me plaisent pas, mais elles sont là ; elles existent et même si je ne ressens rien de spécial, je les respecte comme je respecte leurs auteurs. On n'est pas tous sensibles aux mêmes choses et si ça ne me parle pas, eh bien, je passe mon chemin.

On dit souvent que l'art amène des réactions et qu'il faut accepter les critiques pour avancer sur cette voie, afin de s'améliorer. Je me demande à quel point se montrer grossier et méprisant amène forcément à se dépasser. Je trouve, au contraire qu'on s'attaque à l'estime personnelle et c'est une attaque qui me semble gravissime. L'estime de Soi est primordiale et personne n'aime se sentir diminué par un tiers. Je reste sur cette règle d'or très utile : "Ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse". 

Quand j'apporte un élément de réponse à une question posée par le créateur, j'essaye au maximum de me montrer objective et responsable de mes mots et interactions. Je m'efforce de me montrer respectueuse et de l'oeuvre et de son auteur, même si l'ensemble ne me séduit pas pour diverses raisons. Ces raisons peuvent émaner de mes propres limitations, comme de sensations ou émotions ressenties de manière négatives, que sais-je... Je me rends compte que cela arrive assez rarement. Au pire, je reste indifférente mais il est rare que je ressente une vive répulsion vis-à-vis d'une oeuvre. Et quand bien même, cela m'amènerait à réfléchir au pourquoi de cette répulsion sans forcément en tenir rigueur à l'artiste.

Il y a des personnes qui sont preneuses de tous ces avis et conseils, elles les recherchent même activement et s'en servent pour évoluer dans leur art. 

Et puis, il y a les autres (Comme moi), qui partagent mais qui ne demandent rien. Cela ne signifie pas récolter des "like" à tout bout de champ pour se maintenir dans un élan de "Je suis le meilleur créateur de tous les temps, regardez comme tout le monde aime ce que je réalise" ! Non.

Pour ma part, ce n'est pas le but recherché. C'est agréable d'avoir des réactions positives, des mots gentils de la part de personnes qui vous découvrent ou de celles qui vous suivent assidûment. Mais, c'est aussi savoir regarder en face le travail que l'on réalise ; c'est demeurer lucide ! Je ne suis pas là pour me bercer d'illusions, je sais quand mon travail n'est pas à la hauteur mais, je diffuse même les travaux pour lesquels subsiste un doute pour voir les réactions. Souvent, je suis surprise. 

J'ai été confrontée dernièrement à des échanges plutôt difficiles avec une personne qui souhaite à tout prix collaborer avec des artistes mais qui, étrangement, ne peut pas les voir en peinture. Oui, il s'agit souvent de peintres ou dessinateurs, selon lui, très égocentrés et susceptibles ; profiteurs ! 

J'ai réalisé plusieurs dessins à l'effigie de cette personne et à plusieurs reprises, mes dessins étaient trop ceci, pas assez cela : je le vieillissais, je le rendais triste, je marquais trop les ombres. Mais il aimait bien mon travail. Ah bon ? 

Evidemment, la collaboration a tourné court et c'est très bien. J'ai besoin d'aller de l'avant, pas m'appesantir sur des personnes qui axent leur vie sur des jugements multiples et variés à propos de tout et n'importe quoi, ne laissant place à aucune indulgence, uniquement reliées à leur propre nombril et s'imaginant que chacun pense de manière identique.

Cette personne qui m'indique être pour le partage à tout prix n'a à aucun moment, cherché à mieux me connaître tellement empressée de me faire savoir ses propres idées et avis sur tout. Les personnes qui s'écoutent à ce point sont énergivores et le temps me manque pour ce genre d'élucubrations à sens unique. 

Comme je suis dans une démarche d'amélioration continue pour mon propre compte, que je travaille à partir de ma propre technique, ces échanges m'ont plongée dans des interrogations diverses. Eh oui, je suis quelqu'un qui se remet continuellement en question et mon travail, sans être abouti, ne me déplaît pas. Peut-être justement parce qu'il n'est pas abouti....

C'est  vrai, j'aime cette candeur, ces émotions éparses, ces traits parfois forcés qui donnent une certaine force ! Mais je n'ai pas la prétention de croire que mes créations sont parfaitement réalisées. Je sais que je dois persévérer et continuer de travailler. Toutefois, après une année complète à dessiner quasiment chaque jour, je suis assez heureuse de constater que mon travail touche des personnes qui y sont sensibles. Et je les en remercie chaleureusement.

Je précise une dernière chose :

Je reconnais les vrais conseils venant de personnes qui me sont chères ou des personnes dont j'admire les travaux (Ou les deux) et ces conseils, je les garde au chaud.

Des conseils tels que le souhait que j'aille plus loin, que j'utilise d'autres supports et que j'aille vers des formes plus complexes etc. J'entends bien et oui, un jour, il est probable que j'aille vers cela. J'attends d'être prête et d'en avoir vraiment, vraiment envie !
Parce que je dois l'avouer, je vis une histoire d'amour avec l'encre pour le moment. Quand j'aime, je vais au bout des choses. Et puis d'ailleurs, quand j'aime profondément, c'est rare que je lâche l'affaire.




Et je vous laisse deviner quand je n'aime pas !




samedi 16 mars 2019

Des hommes se mettent à nu



Daniel
















Je commence mon article en écoutant de la musique et je tombe  sur "Imagine" de John Lennon. 


J'aime me dire que ce n'est pas pour rien, qu'il y a une raison à cela. Je ne crois pas au hasard ; absolument pas. 

Mon article de ce jour portera encore une fois sur les modèles. Toutefois, je vais me pencher sur les modèles masculins. 

"Instant dans la durée : tel est l'homme nu devenu allié de l'art, posant pour un peintre dont les dons attirent les regards qui seront sa récompense. Vous ne le connaissez pas... Qui est-il ? Vous ne le saurez pas ! Pourtant vous pouvez le voir, voir son corps. Ce qui pousse peut-être un homme à poser nu, c’est pour démontrer à quel point la dimension artistique peut triompher sur une critique de la silhouette du modèle. La fête du corps n'a pas d'âge. Vêtu de son manteau de transparence, l'homme qui se soumet à la nudité du silence, est une offrande de son moi véritable. Nudité absolue. Transparence voulue. Origine du vrai, origine de soi. Alchimique échange entre le peintre et son modèle. Sédimentation des présences. Ce corps nu est né des mains nues de l’artiste. Il a émergé de sa toile, né d'un enfantement d'une identification patiente. Il a reçu le sceau de son attention sans le confisquer. Elle a modelé ce corps, elle l’a signé de ses doigts. Elle a été dans le choix du sujet, la mise au point, tel un photographe. Il n'y a pas de truc dans sa peinture. Son chemin a construit la beauté, avec pudeur et respect de l'intimité de cet homme qui s'est soumis à la nudité du silence, offrande à l'artiste qu’elle est, de son moi véritable." Texte de Daniel

Il m'a fallu un petit temps pour m'y mettre, préférant travailler avec les femmes pour des raisons pratiques d'abord - les modèles femmes viennent à mon domicile pour poser, selon des critères qui me permettent d'être libre sans mes enfants autour, c'est bien normal. N'ayant pas d'espace professionnel dédié à mon travail, la solution est celle-ci. Pour celles qui sont proches géographiquement. 
Recevoir des hommes à mon domicile ne me parait pas opportun pour des raisons logiques. 

Je me contente alors, pour les hommes qui souhaitent collaborer avec moi, d'accepter qu'ils m'envoient des photos prises par eux-mêmes ou par une personne de leur choix. Et je travaille à partir des clichés essentiellement. 

C'est une démarche qui me demande d'être attentive, encore une fois, mais d'une manière un peu différente qu'avec les femmes. J'y mets encore beaucoup de bienveillance, mais aussi une grande pointe de réserve et de méfiance. 

Travailler sur le corps dans le domaine artistique est tout simplement incontournable. Mais je ne peux décemment pas me concentrer uniquement sur le corps féminin. Les courbes, les traits, les volumes sont infiniment intéressants mais je me dois d'explorer aussi le corps masculin - du point de vue d'un travail sur ma perception des contours, traits, volumes etc. Uniquement cela. 

Les modèles masculins aguerris l'entendent facilement. Ils ont une approche très délicate et me demandent de collaborer en ne s'imposant pas. Ils ont l'habitude de voir où se trouvent les limites. Ils  se sont souvent retrouvés malmenés dans leurs parcours de modèles face à des artistes masculins . Ils préfèrent de ce fait se tourner vers les artistes féminines, plus bienveillantes, selon eux. Tout est question de respect me semble-t-il. Le corps, quel qu'il soit n'est pas à dévaloriser ni à ramener à la sphère purement sexuelle. 

Alain.D 

Personnellement, quand je travaille avec les modèles, c'est un aspect auquel je ne pense pas. Je vois au-delà du sexe exposé, je ne fais que le représenter et avec mon regard, rien ne dit qu'il est identique à ce qu'il est en réalité. Par ailleurs, je ne prends pas spécialement plaisir à voir des femmes ou des hommes nus. 

Ma démarche est celle de sublimer le corps, de lui rendre hommage quelque soit sa morphologie, de lui permettre d'exister au regard de tous dans le respect du modèle qui accepte de se dévoiler. Et du coup, j'apprécie que les modèles qui viennent à moi aient un projet personnel, une démarche spécifique saine pour eux comme pour moi-même. 

Et quand je partage sur les réseaux sociaux, ce n'est pas sans une certaine appréhension. Autant j'y vais sans difficultés pour les modèles féminins, autant j'ai une pointe de réserve pour les modèles masculins. Pourtant, je ne vois pas pourquoi. 

Jean-Luc Barré
Les femmes sont très souvent représentées, tant et tant que tout le monde a l'habitude de voir des seins, des attitudes plus ou moins lascives, provocantes ou plus poétiques et généralement, on ne fait pas (trop) de vagues autour. 

Pour les hommes, ça m’apparaît plus délicat et pourtant, voir une représentation d'hommes nus me semble n'être que justice pour rétablir un certain équilibre. On n'en voit que peu, il me semble. 

J'aime bien lever les tabous parce que je ne les supporte pas. 

Il y a des réactions qui me laissent vraiment perplexe. Jérôme Tellier est un jeune peintre qui assume son univers où il représentent des hommes et des femmes heureux de vivre et d'aimer, dans une nature luxuriante. Il peint le sexe en érection, il montre ce que l’œil sociétal n'admet que difficilement. 

Pourtant, c'est la vie. Son travail interpelle parce qu'il ne fait pas de faux semblants, il va droit au but et sans hypocrisie. Et j'apprécie cela avant toute chose. 

Jean-Luc Barré
Mais mes limitations en tant que femme ayant un passé traumatique me rattrape. Je suis moi aussi quelquefois dérangée par ces images. L'art est un partage et nous fait remonter des émotions parfois violentes. Mais c'est très bien ainsi. C'est vital d'être confronté à elles pour avancer et évoluer. Et si ça nous tombe dessus, et que l'impression est si désagréable, c'est qu'il y a forcément quelque chose à travailler sur nous-mêmes. Ce sont des signaux qu'il est important de ne pas négliger. 

Et au lieu d'incriminer de tels canaux d'ouverture sur soi, parce qu'ils osent montrer de telles œuvres, regardons en nous-mêmes pourquoi ces travaux nous renvoient ces émotions-là. 

Par contre, je fais le choix de ne pas représenter de sexes d'hommes en érection ou des scènes érotiques voire pornographiques. C'est un choix réfléchi ; cela ne me dit absolument rien. Ne venez pas vers moi avec cette intention car ce sera un refus catégorique. 

David

Merci aux modèles en général d'oser se confronter à eux-mêmes.
De me permettre de travailler tout simplement. 
Ce partage est riche d'expériences et réalisé dans le respect mutuel.