vendredi 15 novembre 2013

Mon AAD

             


Je suis née à nouveau grâce à ma dernière fille. Elle est arrivée chez nous et je me sens désormais, totalement différente. J'ai eu ma victoire, j'ai pu aller au bout de mon souhait et je sais que sans aide, sans soutien, je n'y serai pas parvenu. 

Alors j'ai décidé d'assumer jusqu'au bout mes choix qu'ils plaisent ou qu'ils ne plaisent pas. Qu'on accroche ou qu'on accroche pas ; ceux-là restent mes choix. Avoir le choix aujourd'hui, relève presque de l'exploit, car le choix, finalement nous l'avons peu. Beaucoup le disent, la plupart du temps : "je n'avais pas le choix ; c'était comme ça, pas autrement...". Eh bien, moi, j'ai eu cette chance d'avoir ce choix. Et ce choix, a bien failli m'échapper.

Après avoir vécu une césarienne, puis un accouchement par les voies naturelles, autrement appelé très poétiquement AVAC (Accouchement Vaginal Après Césarienne), puis une fausse-couche précoce, je suis retombée enceinte en début d'année 2013 et j'ai choisi un accompagnement tout à fait différent de ce que j'avais choisi pour mes autres grossesses. Tellement déçue, dévalorisée, infantilisée, humiliée, non respectée dans mon corps et le reste, je ne pouvais plus aborder la maternité comme quelque chose de purement médical. Il me fallait une approche humaine, saine, exempt de tout comportement intrusif et manipulateur. Je voulais du VRAI, de l'AUTHENTIQUE, du RESPECT à l'état pur. J'ai choisi un accompagnement global avec des sages-femmes libérales et j'ai vu là, toute la différence. 

Dés le premier entretien, une confiance s'est installée, je l'ai senti tout de suite. La sage-femme m'a expliqué comment ça se passait, comment elle et ses collègues fonctionnaient, c'était clair ; limpide même. J'ai dit "oui" pour le meilleur ou pour le pire car le pire, c'était de toute façon accoucher en structure et elles ne prennent aucun risque à ce niveau. C'était un contrat normal et moral entre elles et moi.

J'ai eu la chance, de vivre le meilleur. 

Début septembre 2013, une lettre parvient à chacune de mes sages-femmes, leur intimant de payer cette assurance responsabilité civile qui leur fait défaut car très élevée (20 000 euros par an et par sage-femme, sachant qu'elles gagnent à peine plus cette somme sur une année complète). Cela fait des années qu'elles pratiquent les accouchements à domicile sans cette assurance, jusqu'à présent, plus ou moins tolérées, aujourd'hui plus du tout. La chasse aux sorcières vient de commencer...

Ayant vécu dans le doute tout le long de ma grossesse, avec des soucis de tous ordres entre soucis de santé au mois de mai, soucis de travail pour moi ensuite, déménagement, et j'en passe... j'arrivais en septembre, à me dire que je tenais enfin le bon bout, dernière échographie officielle faite avec une sage-femme fort sympathique, rendez-vous unique ; mon mari mis à contribution pour cette odyssée d'une heure et demi à voir notre enfant sous toutes les coutures ; elle, bien positionnée pour une sortie réussie ; enfin, tout devait enfin nous sourire !

Oui mais non.

Cette histoire d'assurances nous a plongé sous une nouvelle montagne de doutes, les sages-femmes ayant reçu ce courrier ne pouvant plus pratiquer d'AAD au delà de la date butoir du 1er octobre 2013.

Mon terme étant au 11 octobre, d'un coup d'un seul, tout s'écroulait. Mon souhait, comme tous ces mois de préparation, à faire des trajets en train pour les rendez-vous mensuels, tout, tout, tout était encore remit en question.

Ce dernier mois de grossesse a été vecteur de stress et d'inquiétudes, j'ai espéré alors accoucher fin septembre, m'armant d'une  volonté de fer et buvant 3 à 4 tasses de tisanes de feuilles de framboisier quotidiennement, prenant assidûment les granules d'homéopathie préparant mon corps à l'enfantement. Les derniers jours, malgré la douleur qu'insufflait mon corps, je marchais toujours un peu plus vite pour emmener ma grande à l'école, je m'acharnais mentalement contre cette assurance qui allait réduire à néant toutes mes attentes comme celles de nombreuses mères ayant fait ce choix tout comme moi... Je m'insurgeais me rangeant du côté de mes sage-femmes si ouvertes, si disponibles, si humaines...

Le 30 septembre, dernier jour avant la débâcle, je rédigeais un texte pour participer au soulèvement, au mouvement pour l'accouchement à domicile via le réseau social bleu, et je rédigeais un texte à faire parvenir à une émission de radio (Je ne sais même pas si mon texte a été diffusé) mais cela a déchargé mon esprit et j'ai accepté finalement cet état de chose. Ma fille ne voulait pas naître en septembre et le moindre mal étant d'accoucher en plateau technique à une heure de mon domicile, dans un autre département, mes sages-femmes ayant encore et malgré tout ce recours, fort heureusement ! 

" Je suis une maman de deux enfants et enceinte de 8 mois et demi. Je viens vous parler de l’accouchement à domicile. Suite à deux accouchements en maternité qui se sont mal passés, j’ai fait le choix de vivre autre chose, et j’ai choisi un accompagnement global avec des sages-femmes libérales soucieuses de mon parcours, mon bien-être, celui de l’enfant que je porte, répondant à toutes mes questions sans limite de temps, respectueuses en tout et pour tout et connaissant bien leur métier. J’ai mis longtemps à me décider, ce n’était donc pas un caprice mais au contraire une réflexion profonde et je tenais énormément à l’aboutissement de mon projet en sachant néanmoins, qu’en cas de problème, je serais transférée dans une maternité. 
Mon terme est prévu pour le 11 octobre 2013 et c’est tout mon projet qui tombe à l’eau à cause d’une réclamation d’assurance de 20 000 euros par an et par sage-femme. Evidemment, mes sages-femmes n’ont pas les moyens de s’assurer. Au-delà du 1er octobre 2013, elles ne pourront plus nous accompagner dans notre démarche sous peine d’amendes, et de radiation alors que cette assurance exorbitante ne correspond pas aux actes qu’elles pratiquent, vu le suivi qu’elles prodiguent, elles ne prennent aucun risque pour la mère et pour l’enfant puisque si problème il y a, il y a transfert immédiat. Oui, nos sages-femmes doivent s’assurer, mais que ces assurances soient en rapport avec ce qu’elles pratiquent !

J’ai espéré jusqu’à aujourd’hui, 30 septembre 2013, pouvoir accoucher chez moi mais mon bébé ne se décide pas. Alors, oui, c’est tout mon projet qui tombe à l’eau et ma colère est d’autant plus grande, que c’est encore mon choix de mère qui est bafoué, toute une préparation qui est totalement mise en échec. Une pétition sur change.org  circule sur internet afin de changer tout ça. Pour moi, c’est foutu ! Mais je souhaite profondément que les femmes pourront continuer de choisir ce qui leur convient en matière d’accouchement, peu importe l’endroit ! Merci à tous d’intervenir !!"

Le 30 septembre au soir, après finalement avoir lâché prise sur ce désir viscéral d'accoucher à la maison, et accepté le fait de faire le trajet jusqu'à la maternité avec plateau technique, des contractions douloureuses firent leur apparition. Je devrais même plutôt dire, des sensations désagréables comme me disait l'une des sages-femmes qui m'a fait les cours de préparation à l'accouchement, pour ne plus voir ces contractions comme des douleurs, quelque chose qui fait mal. D'ailleurs, au début, c'était plutôt vrai, c'était plus désagréable que vraiment douloureux.

Ces sensations désagréables ont duré toute la nuit, m'empêchant de dormir et s'accentuant d'heure en heure. A 4h51 du matin, je rédigeais un message à ma mère pour l'informer de la situation, sentant au final que les choses semblaient prendre une certaine envergure. Il était convenu qu'elle vienne s'occuper des enfants, je ne préférais rien laisser au hasard, quitte à ce qu'elle vienne pour rien, si les événements devaient se précipiter. De même, pour mon mari, il partait travailler ce matin-là, avec la consigne de rappliquer vite fait bien fait si bébé décidait finalement de se presser. Ma grande fille resta à la maison ce jour-là, me sentant incapable de faire le trajet jusqu'à l'école et je priais pour que ma mère prenne le premier train qui devait la mener chez moi !

Et ma mère prit le premier train, j'en fus soulagée car elle pensait au départ prendre, le second ! Mais je crois qu'elle comprit l'urgence et heureusement ! Elle insista aussi pour que j'appelle mes sages-femmes. N'étant pas certaine de l'avancement du processus, je n'appelais pas sur le numéro d'urgence mais sur le numéro ordinaire, celui d'H. Elle me rappela et me laissa un message pour me dire qu'elle passerait vers 17h30. OK, ça irait !

 Ma mère arriva en début d'après-midi. Sa présence me soulagea grandement car après ma nuit blanche, j'étais bien en peine de répondre aux sollicitations de mes enfants ! Je regardais ma série préférée du moment "Les pilliers de la Terre" tout en notant les heures et les minutes de mes contractions. Celles-ci n'étaient pas rapprochées, soit tous les quart d'heure voire toutes les dix minutes, parfois moins, parfois plus ; bref, rien ne présageait que l'accouchement fut imminent. Je les notais, toutefois, cela m'aidait intérieurement, j'avais fais pareil pour mon fils, trois ans auparavant ! Ces contractions continuaient de s'intensifier en puissance, je commençais à faiblir sérieusement et le bonheur d'avoir sa maman proche, c'est qu'elle a toujours la bonne idée de rapporter des choses bonnes à manger. Juste avant de venir à la maison, elle avait pris soin d'aller à la boulangerie toute proche et de ramener des chocolatines et autres viennoiseries.

Je tentais une sieste histoire de me requinquer, mais au bout d'une demie heure, je compris que les contractions m'empêcheraient de me reposer correctement.

En fin d'après-midi, toujours devant ma série, installée sur un petit matelas au sol, je vivais mes contractions de plus en plus difficilement. Je ne regardais plus vraiment, j'écoutais plus ou moins, j'attendais avec impatience H qui tardait un peu, cinq minutes, dix minutes ; ma mère venant de temps en temps me voir, l'air un peu inquiet de me voir si mal, moi limite au bord des larmes, à me dire que sans plus de soutien, je ne tiendrai pas... 17h45, quelqu'un frappa à la porte et ma mère ouvrit ! C'était elle !! Elle arriva souriant, vint dans le séjour, déposa sa mallette, me regarda sur mon matelas, j'essayais de sourire mais en fait, je fondis en larmes. Elle s'approcha tout de suite vers moi et me prit dans ses bras, en me disant que ça irait, qu'elle allait rester, que je n'étais pas seule. Là, je fronçai les sourcils, quoi ? Elle restait ? C’était vraiment bon ? Elle me répéta que oui, le moment était vraiment là selon elle. Je me sentis instantanément en confiance. Elle me dit de laisser tomber ma feuille où je notais l'espacement de mes contractions, que je n'en avais plus besoin. Alors oui, je laissais tomber de bonne grâce ! Elle était là, plus besoin de tout ça ! Et elle me dit aussi, que j'allais faire ça, chez moi... ah bon ? Chez moi ?! C'est vrai ?!

Elle m'ausculta pour voir où j'en étais, et j'étais dilatée à 3. J'étais un peu surprise quand même, dans ma tête, je pensais faire comme pour mon fils, soit une éternité de contractions (Des jours quoi) et là, même si ce n'était pas rapide non plus, ça avançait !

Je déménageai avec elle pour aller dans une atmosphère plus intime, direction ma chambre à coucher, que j'avais préparée pour mon accouchement à domicile, que j'avais décorée depuis peu dans ce sens là. On avait emménagé durant l'été et ce fut la dernière pièce à être prête, j'avais acheté quelques accessoires courant septembre ; des bougeoirs, un plafonnier, quelques photos, de la musique... Ambiance tamisée. H m'avertit qu'elle allait appeler sa collègue pour qu'elle vienne aussi. Et un peu plus tard dans la soirée, M, une autre sage-femme qui m'avait fait la préparation à l'accouchement et L, une étudiante sage-femme, étaient venues nous rejoindre. J'étais très contente de voir M, je vins l'embrasser à la porte de chez moi et faire connaissance avec L, douce et agréable à première vue. H m'avait demandé au préalable si sa présence me gênait et j'ai dis que si ça pouvait lui servir d'être là pour ses études et pour son expérience, je n'étais pas contre du tout.

J'étais bien, j'arrivais à vivre les contractions, je respirais, mes petites sages-femmes à m'aider en respirant avec moi, en faisant des AAAAAAH pour m'accompagner et pouvoir gérer au mieux. Ma mère gardait les enfants qui allaient et venaient tout joyeux du séjour à la salle de jeux ; ils savaient ce qui se tramait, ils étaient un brin surexcités et moi, heureuse de les entendre, de les savoir là tout proches alors que je voulais les faire partir au départ, l'un avec ma mère, l'autre avec ma belle-mère.... chose qui m'avait parue bien inconcevable le jour-même... En y réfléchissant, c'était plus simple de les garder à côté ; ils étaient rassurés, et moi aussi ; complètement.

Mon homme rentra du boulot et il avait fait un détour pour aller chercher les sièges-autos qui nous manquaient pour faire le trajet jusqu'au plateau technique à 1h de route. H et M l'accueillirent dans la bonne humeur, moi j'étais toujours bien dans cette ambiance feutrée, savoir mon homme rentré enfin finit de me rassurer et je pouvais enfin me concentrer pleinement sur l'expérience numéro trois, mettre mon bébé au monde AT HOME sans aucune intervention et... sans péridurale ! Il se mit sur son 31 rien que pour moi, un bon jogging et des chaussettes haute-compétition et après avoir fait manger les enfants, il vint nous rejoindre pour se mettre au boulot et m'accompagner lui aussi dans cette expérience hors du commun. H et M me firent un petit monitoring pour savoir comment allait notre puce ; comme d'habitude, elle se portait comme un charme, comme d'habitude, elle n'aimait pas qu'on l'embête dans sa piscine qui allait bientôt faire un avis d'expulsion.

La soirée avançant, les contractions devinrent vraiment de plus en plus difficiles à gérer. Tantôt je hurlais aigu, tantôt je faisais comme un râle caverneux, mais l'épuisement d'une première nuit blanche, d'une journée complète de contractions allant croissant niveau intensité et la préparation d'une nouvelle nuit blanche m'apparaissait comme vraiment dure à vivre. Je n'avais plus qu'une hâte, que bébé sorte et que tout cela se termine au plus vite. Les enfants regardaient un dessin animé dans le séjour, où on avait préparé le canapé en lit en vue de les faire dormir tous les deux là-bas, soit suffisamment loin de la chambre pour qu'ils ne m'entendent pas. Et ils ne m'entendirent jamais tant ils dormaient bien. Ma mère, par contre, à quelques cloisons de là ne pouvait pas dormir. Elle était le témoin discret de notre accouchement à mon homme et moi, elle me dira plus tard qu'elle priait, cette-nuit là pour que je vive cet heureux événement le mieux possible, que je souffre raisonnablement si c'est possible de le dire ainsi... enfin bref, elle était avec moi corps et âme !! Elle m'avouera plus tard qu'elle avait aimé être là, précisément à ce moment-là, comme une petite lumière dans le noir, enchantée de vivre cet instant ultime de la rencontre avec notre enfant, chose, qui se faisait si naturellement dans le temps...

Et moi, en prise avec la douleur toujours s'intensifiant, surprise de constater que contraction après contraction, elle pouvait être encore plus forte, je soufflais et criait ce "maman !" telle une petite fille qui veut s'accrocher à une bouée de sauvetage ! Ce lien finalement, coupé à la naissance, reste et perdure au delà des années...

Mes sages-femmes me massaient, m'encourageaient, me donnaient des indications, certaines à elles-trois que j'allais y arriver. Moi, je faiblissais, je ne demandais qu'à dormir, exaspérée par la longueur du travail, par la douleur, par le fait d'avoir si peur... Oui, je crois que c'était tellement long car je doutais cruellement en mes propres capacités, je doutais de mon corps... Et... c'était aussi la première fois que j'allais ressentir cette ultime étape, la naissance de mon enfant, la sortie et la fin du tunnel et la peur, la peur d'avoir encore plus mal me tenaillait et plus je luttais contre l'idée d'une douleur plus forte, plus la douleur persistait... au lieu de lâcher prise...

A un moment, H dut partir car un autre accouchement était en cours ! J'étais contente d'apprendre qu'une maman qui était à son dernier jour du terme allait enfin vivre sa rencontre avec son bébé ! Elle n'eut pas à attendre longtemps par contre vu que son bébé est né avant l'arrivée de H. Tout allait bien pour elle et son petit, deux heures plus tard, H revint vers moi pour finir de me soutenir dans mon combat personnel avec moi-même !

Mon mari, quant à lui, maître de lui, m'aidait au delà de tout ce que j'avais espéré. Il assura comme un chef, sachant qu'il n'avait pas le droit de dormir, comme je lui avais demandé, tint bon malgré sa journée de travail. Il me massa, il resta près de moi à m'encourager aussi. Et dans les derniers moments, quand d'épuisement, je ne tins plus, que je demandais péridurale et césarienne, je lui pris le cou entre mes mains et je lui en voulus de m'avoir fait ce bébé que je désirais tant ! Pourquoi, est-ce toujours moi qui souffre !! Souffre toi aussi ! J'ai dû serré un petit peu son cou... Oui, j'avoue !

Et ce geste malheureux, M l'a vécu aussi, mais en souriant, s'esquiva de mes mains qui n'agissaient que par dépit. H me parla un moment, un peu d'une façon autoritaire, elle me répéta que j'allais sortir ce bébé, qu'il fallait que je le fasse et que j'allais y arriver ! Toutes positions testées maintes fois, elles sortirent de je ne sais où, un petit siège spécial et comme une alternative non déplaisante, je m'installai sans force, soutenue par mon homme, derrière moi. Je sentis vaguement que nous y étions. Une envie de pousser irrépressible mais extrêmement douloureuse m'assaillait. Avec la gravité, je sentis d'un coup la tête du bébé descendre mais ce n'était pas fini. J'étais très surprise par cette sensation, mais je devais continuer même si ça me rebutait... M, me dit qu'elle voyait une petite tête pleine de cheveux, elle hallucinait sur les cheveux qui tombaient. Elle me demanda si je voulais toucher de ma main et j'ai refusé, je ne sais pourquoi... J'étais si fatiguée, une fatigue tellement présente, tellement écrasante que je me demandais où j'allais encore trouver la force de continuer... et pourtant, je n'eus vraiment aucun choix ; il fallait la chercher cette force, elle vint à moi de toute façon et je poussais encore une fois, un peu trop fort peut-être, les sages-femmes me disant d'y aller plus doucement... trop tard, elles réceptionnèrent un petit boulet de canon mouillé, qui trempa les pieds de tout le monde ! Un bref soulagement pour moi, épuisée de regardais ma petite fille aux cheveux noirs mais je refermais mes yeux. Mon mari réceptionna sa fille, il la compara à notre grande, née 6 ans et demi plus tôt, c'était vrai, un peu la même bouille ; moi aussi j'étais subjuguée !



On m'installa mieux sur le lit, mon homme toujours derrière moi avec notre fille fraîchement arrivée qui se soulagea très rapidement sur son père inondé de méconium. Puis, je pris aussi ma fille contre moi, et on attendit que le cordon cesse de battre pour que l'heureux papa le coupe. Puis vint le temps de l'attente pour la sortie du placenta. J'avais mal encore, j'avais espéré qu'une fois le bébé sorti, cette douleur me laisserait enfin tranquille mais ce ne fut pas le cas. J'avais du mal à la supporter après ces longues heures à souffrir sans cesse. Puis, dans une nouvelle contraction, le placenta sortit avec l'aide de M qui m'avouera un peu plus tard avoir aidé à le chercher. Les deux sages-femmes mirent le placenta dans la bassine que j'avais réservé à cet effet et elles semblaient soucieuses.H, revint vers moi et m'affirma qu'elle allait devoir m'embêter encore un peu. Elle devait faire une révision utérine afin de vérifier que le placenta était sorti complètement et qu'il n'y avait pas de débris dans l'utérus. Cette intervention fut évidemment très douloureuse ; H s'en excusa tout le long. Je fis une légère hémorragie qui s'arrêta spontanément.

Par précaution, elles décidèrent de me transférer à la maternité où j'étais inscrite en cas de problème. Elles appelèrent donc le samu. Entre temps, j'avais ma petite fille sur moi et elle tétait maintenant comme une chef. Toujours épuisée et ressentant mon corps comme une épave douloureuse, j'avais un peu de mal à savourer ces premiers instants. Le fait d'envisager de partir, ne m'aidait pas non plus, mais je sentais qu'il fallait, qu'elles avaient raison de ne prendre aucun risque. J'avais déjà vécu le plus beau, la naissance de mon enfant à la maison.

L'épisode à la maternité fut d'une nouvelle brutalité pour moi, rappelant des souvenirs de froideur, de regards distants et méprisants ; des paroles de dédains ; deux femmes m'invectivèrent : "Madame, c'est dangereux de faire ce que vous venez de faire, c'est totalement inconscient !" et moi de lever les yeux au ciel, comme si c'était bien le moment pour moi de leur faire un cours d'humanité ! L'une d'elle m'appuya sur le ventre pour vérifier la tonicité de mon utérus et elle me fit un mal de chien ! Ne supportant plus aucune sensation douloureuse après tout ce que j'avais vécu, je retirais sa main par trois fois. Elle m'avertit que si je continuais, elle serait dans l'obligation de me refaire une révision utérine. Mon corps réagit aussitôt par des tremblements incontrôlés, des larmes de dégoût coulèrent de mes joues. Je restais silencieuse, ma gorge totalement nouée. Mais où était ma chère H ! J'espérais tant qu'elle soit près de moi... Mais personne ne voulait la faire entrer. J'étais seule en proie à l'amertume. Me voyant si mal, les deux femmes se ravisèrent, se radoucissant, comprenant aussi le pourquoi de mon choix, me disant doucement que ce n'était pas ce que je voulais. Aaah Dieu soit loué, elles s'en rendaient donc compte !

Après quoi, on m'installa durant des heures dans la salle de réveil faute de chambre. J'attendis qu'on m'autorisa à sortir, ce qui fut le cas à 11h du matin seulement. Je devais pourtant rester deux heures m'avait-on dit... Et ce fut un dédale de passages en tout genre, de bruits, de femmes au téléphone ou discutant de tout et de rien. J'étais les deux bras attachés, le gauche au tensiomètre, le droit, à la perfusion. Toujours autant en proie à l'épuisement, je ne pus à aucun moment me reposer... et surtout, j'avais tellement envie de rentrer chez moi. Je pensais à mes enfants qui devaient être debout, à mon homme attendant avec notre fille dans le hall de la maternité entouré de mes deux sages-femmes qui attendaient, elles aussi... Je fis comprendre que je voulais rentrer chez moi et je signais une décharge afin de le faire le plus vite possible. J'allais bien, même si faible physiquement, mais j'étais heureuse au fond d'avoir réussi l'impensable pour moi ! J'étais si fière ! Même ce petit scénario d'enfer à la maternité n'enlèvera pas ce bien-être intérieur que je ressentais et que je ressens toujours.

Arrivés à la maison, nous montâmes vite voir mes enfants qui étaient toujours avec ma mère. Les deux, le sourire aux lèvres découvrirent leur petite soeur, fous de joie de savoir qu'elle était née pendant qu'ils dormaient !





Quant à moi, je remercie infiniment celles qui m'ont laissé ma chance. Je les adore.

                                      


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