mercredi 13 juin 2012

De l'amour lancé dans les airs




Amani Glaise


De l'amour lancé dans les airsjuin 2012



Il était bon le temps des histoires de Pépé
Un doux sourire enjôleur au coin des lèvres
Des mots d'amour dont personne ne se sèvre
Déclaration enflammée ou belles épopées !

Poète sensible, plein de charme ; le coeur battant
La larme facile de musicien talentueux
Dévoué, accessible, pas loin d'être vertueux
Ivre d'Amour pour Mémé ; et, se débattant
Contre les années et les soucis de santé,
La vieillesse qui laisse des traces indélébiles
Au choix : vous rend chétif ou bien vous rend fébrile !
L'Ange de la Mort qui vous chuchote en aparté...

Sa philosophie issue de sa destinée,
Relatant les moments de grandes difficultés :
Famille coupée en deux en bateau transportée
Ou d'un père influent, trop tôt assassiné.
Une famille doucement décimée et Pépé
Bravant les pires tempêtes des années s'écoulant
Gardant toujours foi en Dieu, et le même élan
Pour l'Amour car point de violence et point d'épée !

Tes histoires ont somme toutes un vécu tout tracé
Des naissances et des pertes, des joies comme des douleurs
Des rires, de la musique, des larmes et puis des pleurs
Ton regard doux, tes mots dans mon enfance bercée...
Pépé, mon cher Pépé, elle te manque éperdument
Celle pour qui tu as négligé ton héritage
Tu relies chaque étoile et recrée son visage
Toutes les nuits les yeux tournés au firmament

Et même si mon coeur tourné vers toi te regarde
Je me tais, je t'observe en pensées et je prie
 Tout bas que tu retrouves ta chère aimée-Marie
Que nos visages ici bas d'un sourire se fardent !
Dans mes pires tempêtes, je continue de marcher
Je cherche la même force qui t'a toujours animé
De mes "je t'aime" silencieux qui viennent te chercher
Des "je t'aime" que je lance à ta Marie-Aimée !

Il était bon le temps des histoires de Pépé
Un doux sourire enjôleur au coin des lèvres
Des mots d'amour dont personne ne se sèvre
Déclaration enflammée ou  belles épopées !



A mon grand-père.


vendredi 24 février 2012

Oui, je suis juif (1995)


Oui, je suis juif


Je ne suis plus rien. Je ne suis plus qu’une loque, masse de chair sanguinolente à la vue de tous. Oui, j’étais juif ! Et, je me sens l’âme de l’être encore. Je suis bafoué jusque dans le ciel ; mon corps est là, n’est pas enseveli, ne le sera jamais car le sang qui coule encore est celui d’un juif.

J’étais enfant, et mon cœur d’enfant  croyait vainement qu’il vivrait comme un autre. Là, demeure toute la naïveté… et la dure raison de la vie. Mon cœur ne se doutait sûrement pas qu’il était juif jusqu’au jour où je n’ai plus revu mes frères et sœurs ni ma mère qui sanglotait sur la terre brune de sang. Même dans ces moments, grâce à mon éducation, j’avais encore mon âme, je gardais ma fierté… ma fierté de juif.

Quand on est si jeune, on croit toujours que la mort est loin. J’avais beau écouté tout ce qui se passait autour de moi, j’étais muré dans un monde pur où, comme j’en étais certain, les cœurs vivaient semblables.

Je ne me souviens pas avoir été pauvre, ni malheureux. L’unique chose que l’on me reprochait, c’était d’avoir tué le Roi des Juifs…

Je n’ai pas toujours compris cette accusation, je la souffrais à l’intérieur de moi sans jamais le dévoiler.

J’aurais préféré ne pas demeurer ici. Après la mort, quand on perd sa dignité, on en vient presque à espérer se délivrer de cette terreur pour ne plus rien ressentir. Pourtant, je suis le même enfant, toujours dans l’impression de revêtir quelqu'un.

Lui aussi, cet autre enfant qui est mort, je l’ai vu, il était avec moi, on s’est communiqué nos peurs, peurs de juifs naturellement. Il avait mon âge, même un peu moins ; il ne pleurait pas. Tandis que les larmes me perlaient si chaudes sur la joue, je le sentais mourir.

Ma vie s’est échappée à travers ce corps que je ne reconnais plus. Mais je sais que c’est le mien qui dort sur la charrette qui ne m’a permis aucun adieu à ceux que j’aimais.

                                                                                  Histoire d’un mort.